1- Quel est l'enjeu principal, selon vous, qui pourra faire réussir ce changement technologique ?
Les entreprises tunisiennes désireuses de réussir la transition technologique à laquelle nous assistons aujourd’hui, et ce dans différents secteurs d’activités, doivent tout d’abord aborder ce changement de manière consentie et sérieuse à travers la mise en place d’un budget financier qui puissent accompagner la montée en compétence de tout le Board mais aussi les RH au sein de l’entreprise. L’achat de l’outil technique et de la mise en place d’une infrastructure (la fibre, hardware, applications mobiles, cloud computing, médias et réseaux sociaux, objets connectés, intelligence artificielle, impression 3D) doivent être accompagnées de mesures managériales et d’empowerment de tous les collaborateurs, évitant ainsi les fractures cognitives au sein même des équipes (turn over, résistance au changement versus euphorie, désenchantement). L’harmonisation des process et des montées en compétences sont le « duo win-win » de la transition technologique et digitale.
2- Comment mettre à profit l’outil IA pour améliorer l’expérience collaborateur ?
Pine et Gilmore (1998) furent les premiers à développer le concept de l’expérience collaborateur (« Welcome to the Experience Economy »). Désormais, les RH sont attentifs à cette nouvelle manière d’aborder l’ergonomie dans l’espace travail. A cet effet, l’IA permet aux collaborateurs d’optimiser le temps accordé aux tâches routinières ou répétitives, à travers le No-Code, ils créent des « applications » grâce à des blocs de coding (IA) afin d’intégrer des évènements réguliers : tels que coordonner un « on-bording » d’une nouvelle recrue à travers le partage d’une documentation spécialisée, sensibiliser au code éthique de l’organisation ou encore des évènements marquants du calendrier professionnel. De même, les « serious game » générée par l’IA représentent une manière d’aborder la formation pour une nouvelle génération de collaborateurs en demande d’agilité et de gaming dans leur espace (New normal ou Remote) de travail.
3- Faut-il se lancer dans l’IA et occulter les problèmes éthiques et enjeux posés ?
La question éthique est au centre de l’IA, elle questionne sur les modèles « de production » de la connaissance, sur les compétences intellectuelles et cognitives de nos sociétés, mais aussi nos méthodes d’apprentissage.
A l’université, le « métier » de l’enseignant-chercheur est exclusivement un travail de réflexion et d’apprentissage basé sur les problématiques/la problématisation des sujets qui affectent les acteurs socio-économiques avec lesquelles nous interagissons ou les écrits et pratiques observées. De même, nos étudiants apprennent à formaliser les observations pratiques du terrain (les organisations ou les institutions) à travers le questionnement des savoirs, qu’ils ou elles reçoivent en cours ou développement par eux-mêmes dans les bibliothèques physiques ou numériques.
Aussi, nous évaluons ou sanctionnons cette confrontation à la connaissance par des notes et des soutenances de rapports ou de mémoires qui reflètent leur maitrise, et leur questionnement de l’état de la connaissance par des réponses « modélisées » ou « pensées » par l’impétrant(e). Or l’IA aujourd’hui dans sa forme discussionnelle CHATGPT, apporte des réponses « améliorées », génératives et instantanées qu’il devient difficile de maintenir les critères d’apprentissage et d’évaluation classiques jusque-là formalisés et reconnus académiquement. La question de l’éthique est au centre de cette reconsidération académique si nous souhaitons préserver la légitimité et la cohérence de nos diplômes universitaires.
De même, de nombreux chercheurs proposent d’intégrer dans les apprentissages académiques, et ce, dès la première année universitaire les compétences techniques et ETHIQUE de l’IA et de ChatGPT à travers des modules qui permettront aux étudiants et aux enseignants de comprendre les possibilités cognitives et intellectuelles envisagées, en restant toujours « maitre » de la connaissance produite. |